Noms de lieux de Ploubezre...

Petite revue des noms de lieux, avec en arrière-plan le besoin de rénover les panneaux indicateurs, et de coller au plus près à la prononciation traditionnelle de ces noms. On cherchera ici à éradiquer les mauvaises prononciations introduites par des graphies trop anciennes ou une mauvaise notation du breton, en expliquant à chaque fois pourquoi.

Le syndrome du W

C'est une lettre comme une autre, bien que la dernière introduite dans l'alphabet français. Pour beaucoup, on ne doit pas l'employer en français, sans doute parce qu'elle sert trop aux Anglais, les ennemis héréditaires d'Outre-Manche... Pourtant, les Anglais ne connaissent pas le double-V, mais le double-U : c'est normal, en écriture romaine le u majuscule s'écrivait V.

Voyons quelques exemples à Ploubezre :

Kervoiziou est une écriture du moyen-âge, qui ne se prononce pas Ker-voit-ziou, mais Ker-wi-ziou, avec "wi" prononcé comme le français "oui"... Dites "oui" à Kerwiziou !
En effet, en moyen breton avait été adoptée la convention d'écrire "vo" les "w" suivis d'une voyelle. On faisait donc la différence entre Kervoaziou (Kerwaziou) et Kervoiziou (Kerwiziou), où Gwaziou et Gwiziou sont deux noms de personnes. Cette convention "vo" = "w" n'est quasiment plus connue, ce qui conduit beaucoup de personnes à prononcer Rivoal avec trois syllabes, alors qu'il n'y en a que 2 (Riwal).

De même, Kervoaïc se lit Kerwaïc, et le tréma sur le "i" sert à montrer qu'il est séparé du "a", et qu'on a bien 3 syllabes (et non 4). Dans Keroual, le "ou" est une notation différente, et si elle est de la même époque, cela note la présence de 3 syllabes avec une lecture "Ker-ou-al".

On trouvera de même à Ploubezre "Kervoern" (lire Kerwern), "Kerevoanic" (lire Kerewanic), "Poul ar Rihouet" (lire Riwet), "Kervoeder" (lire Kerweder), "Kerivoalan" (lire Kerriwalan).

Les mésaventures des KER

Comme on peut s'en douter, les noms de lieux-dits en "Ker" sont les plus nombreux. La graphie est constante depuis le moyen-âge, "Ker" succédant à "Caer" plus ancien, qui a donné aussi les formes "Car" de Haute-Bretagne".
Mais le français a introduit quelques problèmes, comme le fait que de nombreuses personnes sont persuadées que la phonétique du français s'applique à toutes les langues (le bon sens nous apprend que c'est faux...). C'est ainsi que l'on prétend que lorsque un "Ker" est suivi d'une voyelle, on dit (et on écrit) "Ké" ; or en breton "Ker" se prononce toujours "Kèr" ...

C'est le cas de Keranroux, demeure d'un certain Le Roux dit en breton "An Rous" ; ce nom date du XIVe ou XVe siècle, et le manoir de Keranroux est toujours présent. Le nom est hybride, puisque Ker et An sont bretons et Roux est français.
L'orthographe "à la française" a toujours été "Keranroux", alors que le nom était prononcé "Ker an Rouss", et jamais "Ké-ran-rou" !

A noter que les mots suivant Ker subissent une "mutation" (par affaiblissement), du style b>v, t>d, p>b, etc..., ce qui explique que Kerwern vient de Ker + Gwern, mais aussi que Kericoul vient de Ker + Ricoul, Kerivoalan de Ker + Riwalan, etc..

Un Gros Ver improbable ...

Il suffit d'un petit rien pour faire rigoler franchement, par exemple une saisie informatique un peu trop rapide (un "a" oublié), et l'appellation "Groas Ver" est devenue "Gros Ver" à l'INSEE... Tout le monde aura compris qu'il s'agit d'une "croix courte", et qu'il manque l'article : "ar Groaz Verr". L'appellation hybride sur le panneau récent est presque correcte... et "impasse" se dit "hent dall" en breton...
Pour rappel, cette croix a été volée en 1992 ? (vérifier), il ne reste que son socle.

Rosalie n'est pas partie...

... des cartes IGN où elle a squatté la place de Rosalic ! C'est pourtant un lieu connu, tellement qu'il donne son nom à trois rues dont un chemin et une impasse de Rosalic ! Ces rues sont en Ploubezre et en Lannion, bénéficiant en plus de la transcription de "chemin" en "garenn" en breton du Trégor ! Un lien avec "Hent ar Gar" : "Gar-hent", chemin de la gare ? Quant à l'impasse du Rosalic, le "u" ne s'y impose pas du tout ! Il faut lire "Rossalic", car les formes anciennes montrent que le "s" est sifflant et non adouci comme dans une "rose" ... Donc une origine "Ros", tertre, + "Salic", nom de personne assez rare, mais encore porté..

(à suivre)

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